Notion d’énergie
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1.1.1 L’énergie
Nous nous attaquons d’emblée à l’une des notions les plus difficiles de toute la physique : l’énergie.
Nous observons que dans tous les phénomènes, lors de toutes les transformations que nous pouvons observer dans l’univers, il existe une grandeur qui ne varie pas. Cette grandeur quantifie une propriété abstraite (énergie vient du grec ἐνέργεια, energeia, soit « activité », « opération ») qui peut prendre de multiples formes.
Nous avons appris à compter la quantité d’énergie présente dans n’importe quel volume arbitraire, et nous nous attachons à contrôler sa transformation d’une forme à une autre. Par exemple, l’énergie électrique stockée dans une batterie peut être transformée en travail dans un moteur électrique, ce qui peut servir à actionner un ascenseur, qui peut soulever une charge. Lors de toutes ces évolutions, la quantité totale d’énergie reste la même (figure ci-dessous), un fait qui nous permet par exemple de quantifier la taille minimale de batterie nécessaire pour soulever une charge donnée.

Ainsi, l’énergie est surtout un concept que nous utilisons pour lire les transformations que nous observons dans le monde : nous pourrions dire que c’est « ce qui ne change pas lorsque les choses se transforment ». Pour l’ingénieur, elle représente surtout la capacité d’un corps à en mettre un autre en mouvement, de façon unifiée (par exemple avec un déplacement) ou désordonnée (par exemple avec une excitation chaotique).
Nous mesurons l’énergie en joules (J).
1.1.2 Le premier principe
Le premier principe de la thermodynamique affirme simplement :
On peut aussi écrire que « l’énergie de l’univers est constante », ou « l’énergie se conserve toujours » : elle ne peut être ni créée ni détruite. Autrement dit, lorsqu’un objet reçoit un joule d’énergie, il peut soit l’emmagasiner, soit le refournir à l’extérieur ; mais en aucun cas il ne peut le détruire.
Il n’y a que deux principes importants en thermodynamique ; le second (auquel nous consacrons les chapitres 7 et 8) porte lui aussi sur la nature de l’énergie. Leurs implications sont énormes et ils sont le fruit d’un travail intellectuel profond et laborieux, long de plusieurs siècles. Il n’existe pas de preuve ou de démonstration de leur véracité, mais toutes nos observations et expériences les corroborent, de sorte qu’ils sont aujourd’hui universellement acceptés.
Nous exprimerons quantitativement le premier principe de deux façons différentes, l’une pour un système fermé (au chapitre 2) et l’autre pour un système ouvert (au chapitre 3).
1.1.3 Formes d’énergie
Les différentes formes d’énergie que nous identifions usuellement ont été mises au jour une à une au cours de l’histoire de la physique.
L’énergie cinétique est possédée par un corps du fait de sa vitesse (cf. la section 1.2 qui suit). C’est la forme d’énergie la plus facile à identifier. Elle a longtemps été nommée vis viva (« force vive »).
L’énergie potentielle est stockée avec l’interaction entre deux objets liés par une force conservative. À l’échelle macroscopique, la forme la plus palpable est l’énergie potentielle d’altitude, issue du travail fourni à une masse contre son poids (c’est ce travail qui rend plus fatigante la montée d’escaliers que leur descente, par exemple). En écrasant un ressort, on y stocke de l’énergie potentielle de compression, que l’on récupère en le détendant.
L’énergie chimique est une combinaison d’énergie potentielle et d’énergie cinétique entre atomes. Le métabolisme humain, ainsi que la combustion des hydrocarbures avec l’oxygène atmosphérique utilisée dans presque tous nos véhicules, sont tous deux fondés sur des transferts énergétiques chimiques.
Au cours du xxe siècle, on a découvert au niveau sub-atomique que la masse était aussi une forme d’énergie (ainsi le fameux $E = m c^2$ lie masse et énergie). L’énergie rayonnante (électromagnétique) est également identifiable au niveau sub-atomique. Ces formes d’énergie ne nous concernent pas dans cet ouvrage.
En thermodynamique, nous allons nous concentrer sur trois formes d’énergie, identifiables à l’échelle macroscopique :
- L’énergie interne notée $U$, un concept que nous utilisons pour regrouper toute l’énergie cinétique et potentielle des molécules d’un corps. Elle représente la quantité totale d’énergie mécanique stockée à l’intérieur d’un objet ;
- La chaleur notée $Q$, qui est un transfert représentant la transmission d’énergie cinétique de manière chaotique d’un corps vers un autre ;
- Le travail noté $W$, qui est un transfert représentant la transmission d’énergie de manière cohérente d’un corps vers un autre.
D’une façon générale, l’ingénieur/e thermodynamicien/ne souhaite capter de la chaleur à des corps qu’il/elle veut refroidir, ou bien fournir du travail à des corps qu’il/elle veut déplacer. Nous allons donc étudier en détail ces transferts.
1.1.4 La puissance
La puissance représente un débit d’énergie dans le temps. Son unité si est le joule par seconde, c’est-à-dire le watt (W) :
\begin{equation} \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{\watt} \equiv \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{\joule\per\second} \label{def_puissance} \end{equation}

Un turboréacteur à soufflante Trent 900, de très grande puissance (capable de fournir $\dot W = \num [output-decimal-marker = {,}]{14}~\si {\mega \watt }$ à un avion de ligne) mais dépourvu d’énergie (0 J).
Photo remorque dérivée d’une photo CC-by par Thomas R Machnitzki
D’autres unités sont souvent utilisées, comme le cheval-vapeur :
\begin{equation} \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{ch_M} = \num[output-decimal-marker = {,}]{735,5}~\si{\watt} \label{eq_equivalence_cheval} \end{equation}Nous noterons les puissances en apposant un point au-dessus du symbole de l’énergie ; ainsi on note $\dot {E}$ une puissance (par exemple mécanique) apportant une quantité d’énergie $E$ chaque seconde.
Dans le langage courant, le terme puissance est utilisé pour quantifier la puissance maximale utile d’un système. Par exemple, une automobile dont on dit qu’elle est « de puissance 100 chevaux » a un moteur capable de lui fournir, pendant quelques instants, une puissance de $\dot W_{\text {méca.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{100}~\si {ch}$ – mais pour cela, le moteur reçoit environ $\dot Q_{\text {combustion}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {ch}$ sous forme de chaleur. En outre, sur route, la puissance mécanique moyenne fournie par le moteur ne dépasse probablement pas 20 ch.
1.1.5 L’énergie et la puissance massiques
Dans de nombreuses applications en thermodynamique, il est intéressant de quantifier les transferts énergétiques indépendamment de la quantité de masse à l’intérieur de la machine.
Par exemple, si l’on souhaite comparer le fonctionnement du moteur d’une moto et de celui d’un camion, il sera judicieux de diviser chacun des transferts énergétiques (pendant la compression, la combustion, la détente) par la quantité d’air dans les cylindres, pour s’affranchir des effets d’échelle.
À cet effet, nous utilisons des grandeurs dites spécifiques (dites parfois massiques) ; et nous les notons en minuscules.
- L’énergie spécifique (parfois appelée énergie massique), se mesure en
joules par kilogramme (J/kg) :
\begin{equation}
e \equiv \frac{E}{m} \label{def_energie_specifique}
\end{equation}
- où $e$ est l’énergie spécifique (J kg−1),
- $E$ l’énergie (J),
- et $m$ la masse du système que l’on étudie (kg).
Un exemple résolu pour illustrerUn injecteur d’essence dans un moteur de voiture doit fournir une quantité de chaleur spécifique $q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {\kilo \joule \per \kilogram }$ quelle que soit la quantité d’air dans le cylindre. Quelle sera l’énergie fournie lorsque $m_\text {air} = \num [output-decimal-marker = {,}]{0,5}~\si {\kilogram }$ et lorsque $m_\text {air} = \num [output-decimal-marker = {,}]{1}~\si {\kilogram }$ ?Réponse :Il faudra $Q_{\text {comb.}1} = m_1 q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{0,5} \times \num [output-decimal-marker = {,}]{300e3} = \num [output-decimal-marker = {,}]{150e3}~\si {\joule } = \num [output-decimal-marker = {,}]{150}~\si {\kilo \joule }$
dans le premier cas, et $Q_{\text {comb.}2} = m_2 q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {\kilo \joule }$ dans le second. - La puissance spécifique (parfois également appelée puissance
massique), a les mêmes unités que l’énergie spécifique : on divise des
watts (joules par seconde) par un débit de masse (kilos par seconde).
\begin{equation}
e \equiv \frac{\dot{E}}{\dot{m}} \label{def_puissance_specifique}
\end{equation}
- où $e$ est la puissance spécifique (J kg−1),
- $\dot {E}$ la puissance (W),
- et $\dot {m}$ le débit de masse traversant le système (kg s−1).
Un exemple résolu pour illustrerUne chambre de combustion dans un turboréacteur doit fournir une quantité de chaleur spécifique $q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {\kilo \joule \per \kilogram }$ quel que soit le débit d’air traversant le moteur. Quelle sera la puissance fournie lorsque $\dot {m}_\text {air} = \num [output-decimal-marker = {,}]{0,5}~\si {\kilogram \per \second }$ et lorsque $\dot {m}_\text {air} = \num [output-decimal-marker = {,}]{1}~\si {\kilogram \per \second }$ ?Réponse :Il faudra une puissance $\dot {Q}_{\text {comb.}1} = \dot {m}_1 q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{0,5} \times \num [output-decimal-marker = {,}]{300e3} = \num [output-decimal-marker = {,}]{150e3}~\si {\watt } = \num [output-decimal-marker = {,}]{150}~\si {\kilo \watt }$
dans le premier cas, et $\dot {Q}_{\text {comb.}2} = \dot {m}_2 q_{\text {comb.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {\kilo \watt }$ dans le second.La puissance $\dot {Q}$ et le débit de masse $\dot {m}$ sont notés avec un point (débit dans le temps) mais pas la puissance spécifique $q$, qui est mesurée en J kg−1 comme la chaleur spécifique.Les grandeurs spécifiques dans cet exemple et le précédent permettent de comparer le même processus physique (réchauffement d’air par combustion) dans deux machines très différentes.
Il faut noter qu’en pratique l’adjectif « spécifique » ou « massique » est souvent simplement omis, et que la notation en minuscule n’est pas systématiquement employée dans la littérature scientifique.