Notion d’énergie

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livre de thermodynamique Un extrait du livre Thermo­dynamique de l’ingénieur par Olivier Cleynen (Thermodynamique.fr, 2021, isbn 978­1­7948­4820­7, 3e éd.)
Chapitre 1 : Notions fondamentales
  1. Notion d’énergie
  2. L’énergie mécanique
  3. Le travail
  4. La chaleur
  5. Le chaud et le froid
  6. Un peu d’histoire : mesurer le degré de chaleur
  7. Exercices corrigés

1.1.1 L’énergie

Nous nous attaquons d’emblée à l’une des notions les plus difficiles de toute la physique : l’énergie.

Nous observons que dans tous les phénomènes, lors de toutes les transformations que nous pouvons observer dans l’univers, il existe une grandeur qui ne varie pas. Cette grandeur quantifie une propriété abstraite (énergie vient du grec ἐνέργεια, energeia, soit « activité », « opération ») qui peut prendre de multiples formes.

Nous avons appris à compter la quantité d’énergie présente dans n’importe quel volume arbitraire, et nous nous attachons à contrôler sa transformation d’une forme à une autre. Par exemple, l’énergie électrique stockée dans une batterie peut être transformée en travail dans un moteur électrique, ce qui peut servir à actionner un ascenseur, qui peut soulever une charge. Lors de toutes ces évolutions, la quantité totale d’énergie reste la même (figure ci-dessous), un fait qui nous permet par exemple de quantifier la taille minimale de batterie nécessaire pour soulever une charge donnée.

Une voiture ordinaire accidentée. La voiture a heurté un arbre par l’avant gauche.
Figure 1 : L’énergie chimique stockée dans le carburant qui a été consommé est exactement égale à l’énergie rejetée par le pot d’échappement, plus l’énergie dissipée par frottement, plus l’énergie cinétique de la voiture en route. Toute cette énergie est transformée en chaleur, mais jamais détruite, une fois la voiture arrêtée (quel qu’en soit le moyen !).
Photo CC-by-sa par Tommi Nummelin (recadrée)

Ainsi, l’énergie est surtout un concept que nous utilisons pour lire les transformations que nous observons dans le monde : nous pourrions dire que c’est « ce qui ne change pas lorsque les choses se transforment ». Pour l’ingénieur, elle représente surtout la capacité d’un corps à en mettre un autre en mouvement, de façon unifiée (par exemple avec un déplacement) ou désordonnée (par exemple avec une excitation chaotique).

Nous mesurons l’énergie en joules (J).

1.1.2 Le premier principe

Le premier principe de la thermodynamique affirme simplement :

L’énergie est indestructible.
Il est important de réaliser que dans la physique d’aujourd’hui, nous n’avons aucune connaissance de ce qu’est l’énergie. Nous n’avons pas de représentation comme quoi l’énergie viendrait en petits paquets d’une certaine quantité. Cependant des formules permettent de calculer une quantité numérique, et lorsque nous les additionnons toutes, nous obtenons toujours le même nombre. C’est une chose abstraite en cela qu’elle ne nous donne pas le mécanisme ou les raisons des différentes formules.
Richard Feynman, 1963
The Feynman Lectures on Physics [voir le livre pour la bibliographie]

On peut aussi écrire que « l’énergie de l’univers est constante », ou « l’énergie se conserve toujours » : elle ne peut être ni créée ni détruite. Autrement dit, lorsqu’un objet reçoit un joule d’énergie, il peut soit l’emmagasiner, soit le refournir à l’extérieur ; mais en aucun cas il ne peut le détruire.

Il n’y a que deux principes importants en thermodynamique ; le second (auquel nous consacrons les chapitres 7 et 8) porte lui aussi sur la nature de l’énergie. Leurs implications sont énormes et ils sont le fruit d’un travail intellectuel profond et laborieux, long de plusieurs siècles. Il n’existe pas de preuve ou de démonstration de leur véracité, mais toutes nos observations et expériences les corroborent, de sorte qu’ils sont aujourd’hui universellement acceptés.

Nous exprimerons quantitativement le premier principe de deux façons différentes, l’une pour un système fermé (au chapitre 2) et l’autre pour un système ouvert (au chapitre 3).

1.1.3 Formes d’énergie

Les différentes formes d’énergie que nous identifions usuellement ont été mises au jour une à une au cours de l’histoire de la physique.

L’énergie cinétique est possédée par un corps du fait de sa vitesse (cf. la section 1.2 qui suit). C’est la forme d’énergie la plus facile à identifier. Elle a longtemps été nommée vis viva (« force vive »).

L’énergie potentielle est stockée avec l’interaction entre deux objets liés par une force conservative. À l’échelle macroscopique, la forme la plus palpable est l’énergie potentielle d’altitude, issue du travail fourni à une masse contre son poids (c’est ce travail qui rend plus fatigante la montée d’escaliers que leur descente, par exemple). En écrasant un ressort, on y stocke de l’énergie potentielle de compression, que l’on récupère en le détendant.

L’énergie chimique est une combinaison d’énergie potentielle et d’énergie cinétique entre atomes. Le métabolisme humain, ainsi que la combustion des hydrocarbures avec l’oxygène atmosphérique utilisée dans presque tous nos véhicules, sont tous deux fondés sur des transferts énergétiques chimiques.

Au cours du xxe siècle, on a découvert au niveau sub-atomique que la masse était aussi une forme d’énergie (ainsi le fameux $E = m c^2$ lie masse et énergie). L’énergie rayonnante (électromagnétique) est également identifiable au niveau sub-atomique. Ces formes d’énergie ne nous concernent pas dans cet ouvrage.

En thermodynamique, nous allons nous concentrer sur trois formes d’énergie, identifiables à l’échelle macroscopique :

D’une façon générale, l’ingénieur/e thermodynamicien/ne souhaite capter de la chaleur à des corps qu’il/elle veut refroidir, ou bien fournir du travail à des corps qu’il/elle veut déplacer. Nous allons donc étudier en détail ces transferts.

1.1.4 La puissance

La puissance représente un débit d’énergie dans le temps. Son unité si est le joule par seconde, c’est-à-dire le watt (W) :

\begin{equation} \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{\watt} \equiv \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{\joule\per\second} \label{def_puissance} \end{equation}
Une citerne montée sur une remorque de camion, garée seule sur une pelouse. Un gros turboréacteur d’avion, photographié nu sans carénage, est monté sur une plateforme mobile dans un hangar.
Figure 2 : Une remorque, de puissance nulle ($\dot Q = \num [output-decimal-marker = {,}]{0}~\si {\watt }$) mais capable de restituer beaucoup d’énergie. La combustion de 20 t de kérosène dégage environ $Q = \num [output-decimal-marker = {,}]{800}~\si {\giga \joule }$ sous forme de chaleur ;
Un turboréacteur à soufflante Trent 900, de très grande puissance (capable de fournir $\dot W = \num [output-decimal-marker = {,}]{14}~\si {\mega \watt }$ à un avion de ligne) mais dépourvu d’énergie (0 J).
Photo turboréacteur dérivée d’une photo CC-0 par l’utilisateur⋅rice Commons Dr Brains
Photo remorque dérivée d’une photo CC-by par Thomas R Machnitzki

D’autres unités sont souvent utilisées, comme le cheval-vapeur :

\begin{equation} \num[output-decimal-marker = {,}]{1}~\si{ch_M} = \num[output-decimal-marker = {,}]{735,5}~\si{\watt} \label{eq_equivalence_cheval} \end{equation}

Nous noterons les puissances en apposant un point au-dessus du symbole de l’énergie ; ainsi on note $\dot {E}$  une puissance (par exemple mécanique) apportant une quantité d’énergie $E$ chaque seconde.

Dans le langage courant, le terme puissance est utilisé pour quantifier la puissance maximale utile d’un système. Par exemple, une automobile dont on dit qu’elle est « de puissance 100 chevaux » a un moteur capable de lui fournir, pendant quelques instants, une puissance de $\dot W_{\text {méca.}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{100}~\si {ch}$ – mais pour cela, le moteur reçoit environ $\dot Q_{\text {combustion}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{300}~\si {ch}$ sous forme de chaleur. En outre, sur route, la puissance mécanique moyenne fournie par le moteur ne dépasse probablement pas 20 ch.

1.1.5 L’énergie et la puissance massiques

Dans de nombreuses applications en thermodynamique, il est intéressant de quantifier les transferts énergétiques indépendamment de la quantité de masse à l’intérieur de la machine.

Par exemple, si l’on souhaite comparer le fonctionnement du moteur d’une moto et de celui d’un camion, il sera judicieux de diviser chacun des transferts énergétiques (pendant la compression, la combustion, la détente) par la quantité d’air dans les cylindres, pour s’affranchir des effets d’échelle.

À cet effet, nous utilisons des grandeurs dites spécifiques (dites parfois massiques) ; et nous les notons en minuscules.

Il faut noter qu’en pratique l’adjectif « spécifique » ou « massique » est souvent simplement omis, et que la notation en minuscule n’est pas systématiquement employée dans la littérature scientifique.

Chapitre 1 : Notions fondamentales
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