La chaleur
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1.4.1 La température
Nous définissons temporairement la température comme étant le potentiel d’un corps à fournir ou recevoir de la chaleur.
La température d’un corps est une grandeur qui indique son niveau d’excitation interne. Plus ses molécules possèdent d’énergie cinétique, avec des vitesses de direction différente, et plus sa température sera grande.
Lorsque les molécules constituant un corps sont parfaitement immobiles les unes par rapport aux autres, le corps n’a plus de vibration interne : cet état définit la température zéro. À l’inverse, l’échelle de température est ouverte vers l’infini. On ne définit pas de point de température maximale.
On ne peut pas mesurer simplement « l’énergie cinétique moyenne des molécules » d’un corps et il s’ensuit qu’il est très difficile de définir rigoureusement une échelle de température (par exemple, ce que représente une température « deux fois plus grande »). Nous reviendrons sur la notion même de température au chapitre 4 (Le gaz parfait) et nous la définirons tout à fait au chapitre 7 (Le second principe) . Nous admettrons, dans cette attente, la définition donnée plus haut.
La température se mesure en kelvins (K), sur une échelle créée pour les besoins de la thermodynamique et fort peu modestement qualifiée d’absolue.
L’étudiant/e aura probablement l’habitude d’utiliser une échelle en degrés
Celsius ($ {}^{\circ }$C). Elle précède l’échelle absolue en kelvins, mais a été habilement
redéfinie et synchronisée avec cette dernière en 1848. Il suffit de soustraire
273,15 unités à une température absolue (en kelvins) pour lire une
température en degrés Celsius : \begin{equation}
T(\si{\degreeCelsius})\ \equiv \ T(\si{\kelvin}) - 273,15
\label{def_temperature_kelvins_celsius}
\end{equation}
Les puristes remarqueront que l’unité est nommée kelvin et non « degré Kelvin ». Quelques températures indicatives sont recensées dans le tableau ci-dessous.
$\si{\degreeCelsius}$ | $\si{\kelvin}$ | |
0 | -273,15 | Zéro absolu (par définition) |
$\num{e-10}$ | -273,1499999999 | Température la plus basse jamais atteinte (quelques particules seulement) |
4,22 | -268,93 | Ébullition de l’hélium à pression atmosphérique |
44 | -229 | Température moyenne de la surface de Pluton* |
184 | -89,4 | Température atmosphérique minimale enregistrée sur Terre* |
273,15 | 0 | Fonte de l’eau à pression atmosphérique |
327 | 54 | Température atmosphérique maximale enregistrée sur Terre* |
373,15 | 100 | Ébullition de l’eau à pression atmosphérique |
400 | 127 | Température du nez d’un Concorde en croisière* |
483 | 200 | Four domestique ordinaire* |
485 | 210 | Auto-inflammation du carburant diesel* |
753 | 480 | Bords d’attaque d’un en croisière* |
1100 | 830 | Feu de bois* |
1900 | 1600 | Bouclier d’une navette spatiale en rentrée atmosphérique* |
2500 | Filament d’une lampe à incandescence | |
5000 | Fonte du diamant (à $\num{12}\si{\giga\pascal}$) | |
5800 | Surface du soleil | |
$\num{16e6}$ | Centre du soleil | |
$\num{3e9}$ | Au sein de la déflagration d’une arme nucléaire | |
$\num{3e9}$ | Cœur d’une grosse étoile à son dernier jour | |
$\num{1e12}$ | Particules en collision au sein du RHIC | |
$\num{1.417e32}$ | L’univers après le Big Bang |
1.4.2 La chaleur
Lorsque l’on met deux corps de températures différentes en contact, leurs températures ont tendance à s’égaliser au cours d’un transfert spontané d’énergie. Nous appelons cette forme d’énergie chaleur.
La chaleur, notée $Q$, est une forme d’énergie (mesurée en joules). À l’échelle macroscopique, c’est un transfert d’énergie sous forme chaotique. On peut le provoquer de plusieurs façons, dont les plus pertinentes pour l’ingénieur/e sont :
- la perte d’énergie interne d’un corps, par mise en contact avec un corps de température plus basse ;
- le frottement ;
- la disparition de masse au sein d’une réaction nucléaire ;
- la transformation d’énergie potentielle entre atomes, par réaction chimique (en particulier la combustion d’hydrocarbures avec l’oxygène atmosphérique).
De même que l’on note $Q$ la chaleur (J), on note $q$ la chaleur spécifique (J kg−1).
La notion de chaleur est très difficile à appréhender. On l’a longtemps crue être un fluide (le calorique) de densité très faible, capable d’imprégner tous les matériaux. Cette théorie a été abandonnée au milieu du xixe siècle, lorsque l’on a mis en évidence que la chaleur n’est pas conservée, c’est-à-dire qu’elle a une capacité à disparaître ou apparaître. Par exemple, un moteur en marche reçoit de la chaleur (par combustion) mais il en rejette moins qu’il n’en a reçu. Il en transforme une partie en travail, que l’on utilise par exemple pour propulser un véhicule.
À l’échelle microscopique (lorsque l’on considère le mouvement individuel des particules) les concepts de température et de chaleur sont plus difficiles encore à définir ; mais cela dépasse le domaine d’étude de cet ouvrage.
1.4.3 La capacité thermique
Lorsque l’on fournit la même quantité de chaleur à deux corps différents, leur température peut augmenter de différente façon – par exemple, il faut moins de chaleur pour augmenter de 1 $\si{\degreeCelsius}$ la température d’un kilogramme d’acier que d’un kilogramme d’aluminium. Cette propension de la température à augmenter est nommée capacité thermique (ou capacité calorifique).
On définit la capacité thermique massique d’un corps comme la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter d’un kelvin la température d’un kilogramme de ce corps :
\begin{equation} c\ \equiv \ \frac{\diffi q}{\diff T} = \frac{1}{m} \frac{\diffi Q}{\diff T} \label{eq_def_capacite_calorifique_massique} \end{equation}- où $c$ est la capacité thermique massique du corps considéré (J kg−1 K−1),
- $\tdiffi q$ est une quantité spécifique infinitésimale de chaleur (J kg−1),
- et $\tdiff T$ est une variation infinitésimale de température (K ou $\si{\degreeCelsius}$).
Dans cette équation $\ref {eq_def_capacite_calorifique_massique}$, le transfert infinitésimal de chaleur est noté avec le symbole $\tdiffi $, tandis que la variation infinitésimale de température l’est avec le symbole $\tdiff $. Cette distinction est inoffensive et est détaillée dans l’annexe A4 du livre.
La capacité calorifique massique des solides est en général invariante. Par contre pour les fluides, que nous utilisons beaucoup dans les machines, ce n’est pas si simple :
- En faisant travailler un gaz (c’est-à-dire en le laissant pousser sur une paroi mobile), on augmente nettement sa capacité calorifique massique. Nous quantifierons ce phénomène au chapitre 4 (Le gaz parfait) ;
- La capacité calorifique massique des liquides et vapeurs devient infinie (!) pendant l’ébullition, qui a lieu sur une plage particulière de propriétés. Hors de cette plage, la capacité redevient finie mais elle varie avec la température. Nous décrirons ces comportements au chapitre 5 (Liquides et vapeurs).
La capacité calorifique massique de l’acier solide est constante (indépendante de la température) et a pour valeur $c_{\text {acier}} = \num [output-decimal-marker = {,}]{475}~\si {\joule \per \kilogram \per \kelvin }$.
Combien faut-il de chaleur pour faire évoluer un bloc de 50 kg d’acier depuis une température $T_\A = \num [output-decimal-marker = {,}]{5}~\si {\degreeCelsius }$ jusqu’à une température $T_\B = \num [output-decimal-marker = {,}]{18}~\si {\degreeCelsius }$ ?
\diffi Q &= c_{\text{acier}} \ m_{\text{acier}} \diff T\\
Q_\fromatob &= \int_\A^\B m_{\text{acier}} \ c_{\text{acier}} \diff T \end{align*} Comme la capacité $c_{\text {acier}}$ est indépendante de $T$ cette intégrale devient simplement : $ Q_\fromatob = m_{\text {acier}} \ c_{\text {acier}} \int _\A ^\B \diff T = m_{\text {acier}} \ c_{\text {acier}} (T_\B - T_\A) = 50 \times 475 \times (18 - 5) = \num [output-decimal-marker = {,}]{+3,0875e5}~\si {\joule } = \num [output-decimal-marker = {,}]{+308,8}~\si {\kilo \joule }$.